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dialogues philosophiques

Jésus-Christ changea l’eau en vin sur-le-champ, après avoir dit des injures à sa mère. Quelque temps après, s’étant trouvé dans Gadara, ou Gésara, au bord du petit lac de Génézareth, il rencontra des diables dans le corps de deux possédés ; il les chassa au plus vite, et les envoya dans un troupeau de deux mille cochons, qui allèrent en grognant se jeter dans le lac, et s’y noyer : et ce qui constate encore la grandeur et la vérité de ce miracle, c’est qu’il n’y avait point de cochons dans ce pays-là.


L’EMPEREUR. — Je suis fâché, frère Rigolet, que ton dieu ait fait un tel tour. Le maître des cochons ne dut pas trouver cela bon. Sais-tu bien que deux mille cochons gras valent de l’argent ? Voilà un homme ruiné sans ressource. Je ne m’étonne plus qu’on ait pendu ton dieu. Le possesseur des cochons dut présenter requête contre lui, et je t’assure que si, dans mon pays, un pareil dieu venait faire un pareil miracle, il ne le porterait pas loin. Tu me donnes une grande envie de voir les livres qu’écrivit le Seigneur Jésus, et comment il s’y prit pour justifier des miracles d’une si étrange espèce.


FRÈRE RIGOLET. — Sacrée majesté, il n’a jamais fait de livres ; il ne savait ni lire ni écrire.


L’EMPEREUR. — Ah ! ah ! voici qui est digne de tout le reste. Un législateur qui n’a jamais écrit aucune loi !