d’un charpentier, et cet enfant fut Dieu lui-même.
L’EMPEREUR. — Mais voilà donc deux dieux de
compte fait, un charpentier et un pigeon.
FRÈRE RIGOLET. — Sans doute, sire ; mais il
y en a encore un troisième qui est le père de ces
deux-là, et que nous peignons toujours avec une
barbe majestueuse ; c’est ce dieu-là qui ordonna au
pigeon de faire un enfant à la charpentière, dont naquit
le dieu charpentier ; mais, au fond, ces trois
dieux n’en font qu’un. Le père a engendré le fils
avant qu’il fût au monde, le fils a été ensuite engendré
par le pigeon, et le pigeon procède du père et du
fils. Or, vous voyez bien que le pigeon qui procède,
le charpentier qui est né du pigeon, et le père qui
a engendré le fils du pigeon, ne peuvent être qu’un
seul Dieu, et qu’un homme qui ne croirait pas cette
histoire doit être brûlé dans ce monde-ci et dans
l’autre.
L’EMPEREUR. — Cela est clair comme le jour.
Un dieu né dans une étable, il y a dix-sept cent vingt-
trois ans, entre un bœuf et un âne ; un autre dieu
dans un colombier ; un troisième dieu, de qui viennent
les deux autres, et qui n’est pas plus ancien
qu’eux, malgré sa barbe blanche ; une mère pucelle ;
il n’est rien de plus simple et de plus sage. Eh ! dis-moi
un peu, frère Rigolet, si ton dieu est né, il est
sans doute mort ?