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dialogues philosophiques

à son gré tous les rois de la terre : il est vice-dieu, vice-Chang-ti, vice-Tien ; il doit gouverner la terre au nom de Dieu, et notre frère général doit gouverner sous lui.


L’EMPEREUR. — Mes compliments au vice-dieu et au frère général. Mais votre Dieu, quel est-il ? dites-moi un peu de ses nouvelles.


FRÈRE RIGOLET. — Notre Dieu naquit dans une écurie, il y a quelque dix-sept cent vingt-trois ans, entre un bœuf et un âne ; et trois rois, qui étaient apparemment de votre pays, conduits par une étoile nouvelle, vinrent au plus vite l’adorer dans sa mangeoire.


L’EMPEREUR. — Vraiment, frère Rigolet, si j’avais été là, je n’aurais pas manqué de faire le quatrième.


FRÈRE RIGOLET. — Je le crois bien, sire ; mais si vous êtes curieux de faire un petit voyage, il ne tiendra qu’à vous de voir sa mère. Elle demeure ici dans ce petit coin que vous voyez sur le bord de la mer Adriatique, dans la même maison où elle accoucha de Dieu. Cette maison, à la vérité, n’était pas d’abord dans cet endroit-là. Voici, sur la carte, le lieu qu’elle occupait dans un petit village juif ; mais, au bout de treize cents ans, les esprits célestes la transportèrent où vous la voyez. La mère de Dieu