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dialogues philosophiques

et ma secte s’appelle la religion catholique, ce qui veut dire universelle.


L’EMPEREUR. — Fort bien, frère Rigolet. Votre secte est confinée dans un petit coin de l’Europe, et vous l’appelez universelle ! apparemment que vous espérez de l’étendre dans tout l’univers.


FRÈRE RIGOLET. — Sire, votre majesté a mis le doigt dessus ; c’est comme nous l’entendons. Dès que nous sommes envoyés dans un pays par le révérend frère général, au nom du pape qui est vice-dieu en terre, nous catéchisons les esprits qui ne sont point encore pervertis par l’usage dangereux de penser. Les enfants du bas peuple étant les plus dignes de notre doctrine, nous commençons par eux ; ensuite nous allons aux femmes, bientôt elles nous donnent leurs maris ; et dès que nous avons un nombre suffisant de prosélytes, nous devenons assez puissants pour forcer le souverain à gagner la vie éternelle en se faisant sujet du pape.


L’EMPEREUR. — On ne peut mieux, frère Rigolet ; les souverains vous sont fort obligés. Montrez-moi un peu sur cette carte géographique où demeure votre pape.


FRÈRE RIGOLET. — Sacrée majesté impériale, il demeure au bout du monde dans ce petit angle que vous voyez, et c’est de là qu’il damne ou qu’il sauve