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dialogues philosophiques

times tiendraient seules, avec avantage, contre les forces réunies de toutes les autres nations : regardez tout le nord de l’Allemagne, et la Scandinavie, ces pépinières intarissables de guerriers, tous ces peuples nous ont passés de bien loin dans les progrès de la raison. Le sang de chaque tête de l’hydre qu’ils ont abattue a fertilisé leurs campagnes ; l’abolition des moines a peuplé et enrichi leurs états : on peut certainement faire en France ce qu’on fait ailleurs ; la France en sera plus opulente et plus peuplée.


L’ABBÉ. — Eh bien ! quand vous auriez secoué en France la vermine des moines, quand on ne verrait plus de ridicules reliques, quand nous ne paierions plus à l’évêque de Rome un tribut honteux, quand même on mépriserait assez la consubstantialité et la procession du Saint-Esprit par le Père et le Fils, et la transsubstantiation, pour n’en plus parler ; quand ces mystères resteraient ensevelis dans la Somme de saint Thomas, et quand les contemptibles théologiens seraient réduits à se taire, vous resteriez encore chrétiens ; vous voudriez en vain aller plus loin, c’est ce que vous n’obtiendriez jamais. Une religion de philosophes n’est pas faite pour les hommes.


M. FRÉRET. — Est quodam prodire tenus, si non datur ultra. (Liv. I, ép. i, vers 32.)

Je vous dirai avec Horace : Votre médecin ne vous donnera jamais la vue du lynx, mais souffrez