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dialogues philosophiques

précisément pour chasser les diables, aucun prêtre parmi vous n’est assez fou ni assez sot pour se vanter de les chasser ; les reliques de saint François sont devenues ridicules, et celles de saint Ignace, peut-être, seront un jour traînées dans la boue avec les jésuites eux-mêmes. On laisse, à la vérité, au pape le duché de Ferrare qu’il a usurpé, les domaines que César Borgia ravit par le fer et par le poison, et qui sont retournés à l’Église de Rome, pour laquelle il ne travaillait pas ; on laisse Rome même aux papes, parce qu’on ne veut pas que l’empereur s’en empare ; on lui veut bien payer encore des annates, quoique ce soit un ridicule honteux et une simonie évidente ; on ne veut pas faire d’éclat pour un subside si modique. Les hommes, subjugués par la coutume, ne rompent pas tout d’un coup un mauvais marché fait depuis près de trois siècles. Mais que les papes aient l’insolence d’envoyer, comme autrefois, des légats a latere pour imposer des décimes sur les peuples, pour excommunier les rois, pour mettre leurs États en interdit, pour donner leurs couronnes à d’autres, vous verrez comme on recevra un légat a latere : je ne désespérerais pas que le parlement d’Aix ou de Paris ne le fît pendre.


LE COMTE. — Vous voyez combien de préjugés honteux nous avons secoués. Jetez les yeux à présent sur la partie la plus opulente de la Suisse, sur les sept Provinces Unies, aussi puissantes que l’Espagne, sur la Grande-Bretagne, dont les forces mari-