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tête en bas ? qui lui a dit que ce Barjone, un misérable pécheur de Galilée, ait jamais été à Rome, et y ait parlé latin ? Hélas ! s’il eût été condamné à Rome, si les chrétiens l’avaient su, la première église qu’ils auraient bâtie depuis à l’honneur des saints aurait été Saint-Pierre de Rome, et non pas Saint-Jean de Latran ; les papes n’y eussent pas manqué ; leur ambition y eût trouvé un beau prétexte. À quoi est-on réduit, quand, pour prouver que ce Pierre Barjone a demeuré à Rome, on est obligé de dire qu’une lettre qu’on lui attribue datée de Babylone était en effet écrite de Rome même ? sur quoi un auteur célèbre a très bien dit que, moyennant une telle explication, une lettre datée de Pétersbourg devait avoir été écrite à Constantinople.

Vous n’ignorez pas quels sont les imposteurs qui ont parlé de ce voyage de Pierre. C’est un Abdias, qui le premier écrivit que Pierre était venu du lac de Génézareth droit à Rome chez l’empereur, pour faire assaut de miracles contre Simon le Magicien ; c’est lui qui fait le conte d’un parent de l’empereur, ressuscité à moitié par Simon, et entièrement par l’autre Simon Barjone ; c’est lui qui met aux prises les deux Simon, dont l’un vole dans les airs et se casse les deux jambes par les prières de l’autre ; c’est lui qui fait l’histoire fameuse des deux dogues envoyés par Simon pour manger Pierre. Tout cela est répété par un Marcel, par un Hégésippe. Voilà les fondements de la religion chrétienne. Vous n’y voyez qu’un tissu des plus plates impostures faites