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dialogues philosophiques

tures ; expliquez ce silence comme vous pourrez.

Songez qu’il faut des motifs bien graves pour opérer ainsi le renversement de la nature. Quel motif, quelle raison aurait pu avoir le Dieu des Juifs ? Était-ce de favoriser son petit peuple ? de lui donner une terre fertile ? Que ne lui donnait-il l’Égypte au lieu de faire des miracles, dont la plupart, dites-vous, furent égalés par les sorciers de Pharaon ? Pourquoi faire égorger par l’ange exterminateur tous les aînés d’Égypte, et faire mourir tous les animaux, afin que les Israélites, au nombre de six cent trente mille combattants, s’enfuissent comme de lâches voleurs ? Pourquoi leur ouvrir le sein de la mer Rouge, afin qu’ils allassent mourir de faim dans un désert ? Vous sentez l’énormité de ces absurdes bêtises ; vous avez trop de sens pour les admettre, et pour croire sérieusement à la religion chrétienne fondée sur l’imposture juive. Vous sentez le ridicule de la réponse triviale qu’il ne faut pas interroger Dieu, qu’il ne faut pas sonder l’abîme de la Providence. Non, il ne faut pas demander à Dieu pourquoi il a créé des poux et des araignées, parce qu’étant sûrs que les poux et les araignées existent, nous ne pouvons savoir pourquoi ils existent ; mais nous ne sommes pas si sûrs que Moïse ait changé sa verge en serpent et ait couvert l’Égypte de poux, quoique les poux fussent familiers à son peuple : nous n’interrogeons point Dieu ; nous interrogeons des fous qui osent faire parler Dieu, et lui prêter l’excès de leurs extravagances.