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dialogues philosophiques

faussaires ont forgé ces Épîtres, ils en méritaient un plus grand.

Hélas ! c’est ainsi que la plupart des sectes populaires commencent. Un imposteur harangue la lie du peuple dans un grenier, et les imposteurs qui lui succèdent habitent bientôt des palais.


LE DOUTEUR. — Vous n’avez que trop raison ; mais après m’avoir dit ce que vous pensez de ce fanatique, moitié juif, moitié chrétien, nommé Paul, que pensez-vous des anciens Juifs ?


L’ADORATEUR. — Ce que les gens sensés de toutes les nations en pensent, et ce que les Juifs raisonnables en pensent eux-mêmes.


LE DOUTEUR. — Vous ne croyez donc pas que le Dieu de toute la nature ait abandonné le reste des hommes pour se faire roi d’une misérable petite nation ? Vous ne croyez pas qu’un serpent ait parlé à une femme ? que Dieu ait planté un arbre dont les fruits donnaient la connaissance du bien et du mal ? que Dieu ait défendu à l’homme et à la femme de manger de ce fruit, lui qui devait plutôt leur en présenter, pour leur faire connaître ce bien et ce mal, connaissance absolument nécessaire à l’espèce humaine ? Vous ne croyez pas qu’il ait conduit son peuple chéri dans des déserts, et qu’il ait été obligé de leur conserver pendant quarante ans leurs vieilles sandales et leurs vieilles robes ? Vous ne croyez pas