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dialogues philosophiques


L’ABBÉ. — Si divine que, dans le pays même où l’on faisait pendre ceux qui avaient mangé d’une omelette au lard, on faisait brûler ceux qui avaient ôté le lard d’un poulet piqué, et que l’Église en use encore ainsi quelquefois : tant elle sait se proportionner aux différentes faiblesses des hommes ! — À boire.


LE COMTE. — À propos, monsieur le grand-vicaire, votre Église permet-elle qu’on épouse les deux sœurs ?


L’ABBÉ. — Toutes les deux à la fois, non ; mais l’un après l’autre, selon le besoin, les circonstances, l’argent donné en cour de Rome, et la protection : remarquez bien que tout change toujours et que tout dépend de notre sainte Église. La sainte Église juive, notre mère, que nous détestons, et que nous citons toujours, trouve très bon que le patriarche Jacob épouse les deux sœurs à la fois : elle défend dans le Lévitique de se marier à la veuve de son frère ; elle l’ordonne expressément dans le Deutéronome ; et la coutume de Jérusalem permettait qu’on épousât sa propre sœur, car vous savez que quand Amnon, fils du chaste roi David, viola sa sœur Thamar, cette sœur pudique et avisée lui dit ces paroles : « Mon frère, ne me faites pas de sottises, mais demandez-moi en mariage à notre père, il ne vous refusera pas. »

Mais, pour revenir à notre divine loi sur l’agré-