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dialogues philosophiques

heureusement tournés en fanatisme, aient inspiré tant de cruautés horribles.

— Oui, me dit-il, les mahométans se sont souillés des mêmes inhumanités, mais rarement ; et lorsqu’on leur a demandé amman, miséricorde, et qu’on leur a offert le tribut, ils ont pardonné. Pour les autres nations, il n’y en a aucune, depuis l’existence du monde, qui ait jamais fait une guerre purement de religion. Suis-moi maintenant. »

Je le suivis.

Un peu au delà de ces piles de morts nous trouvâmes d’autres piles ; c’étaient des sacs d’or et d’argent, et chacune avait son étiquette : « Substance des hérétiques massacrés au dix-huitième siècle, au dix-septième, au seizième », et ainsi en remontant : « Or et argent des Américains égorgés, etc. » Et toutes ces piles étaient surmontées de croix, de mitres, de crosses, de tiares enrichies de pierreries.

« Quoi ! mon génie, ce fut donc pour avoir ces richesses qu’on accumula ces morts ?

— Oui, mon fils. »

Je versai des larmes ; et quand j’eus mérité par ma douleur qu’il me menât au bout des allées vertes, il m’y conduisit.

« Contemple, me dit-il, les héros de l’humanité qui ont été les bienfaiteurs de la terre et qui se sont tous réunis à bannir du monde, autant qu’ils l’ont pu, la violence et la rapine. Interroge-les. »

Je courus au premier de la bande ; il avait une couronne sur la tête, et un petit encensoir à la