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dialogues philosophiques


ÉPICTÈTE. — S’il est ainsi, ce sont des voleurs, et vous êtes obligé de les déférer au préteur ou aux centumvirs.


LE FILS. — Oh ! non, ce ne sont point des voleurs, ce sont des marchands qui vous donnent la meilleure denrée du monde pour votre argent, car ils vous promettent la vie éternelle ; et si, en mettant votre argent à leurs pieds, comme ils l’ordonnent, vous gardez seulement de quoi manger, ils ont le pouvoir de vous faire mourir subitement.


ÉPICTÈTE. — Ce sont donc des assassins dont il faut au plus tôt purger la société.


LE FILS. — Non, vous dis-je, ce sont des mages qui ont des secrets admirables, et qui tuent avec des paroles. Le Père, disent-ils, leur a fait cette grâce par le Fils. Un de leurs prosélytes, qui pue horriblement, mais qui prêche dans les greniers avec beaucoup de succès, me disait hier qu’un de leurs parents, nommé Ananiah, ayant vendu sa métairie pour plaire au Fils au nom du Père, porta tout l’argent aux pieds d’un mage nommé Barjone, mais qu’ayant gardé en secret de quoi acheter le nécessaire pour son petit enfant, il fut puni de mort sur-le-champ. Sa femme vint ensuite ; Barjone la fit mourir de même en prononçant une seule parole.


ÉPICTÈTE. — Mon fils, voilà d’abominables gens.