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dialogues philosophiques

lement Socrate, Aristide, Pythagore, Épictète, les Antonins, tous ceux dont la vie a été pure et exemplaire, et d’accorder la béatitude éternelle à l’âme et au corps de François Ravaillac, qui mourut en bon chrétien, bien confessé, et muni d’une grâce efficace ou suffisante. Je suis un peu embarrassé dans cette affaire ; car enfin je suis juge de tous les hommes ; leur bonheur ou leur malheur dépend de moi, et j’aurais quelque répugnance à sauver Ravaillac et à damner Scipion.

Il y a une chose qui me console, c’est que nous autres théologiens nous pouvons tirer des enfers qui nous voulons ; nous lisons dans les Actes de sainte Thècle, grande théologienne, disciple de saint Paul, laquelle se déguisa en homme pour le suivre, qu’elle délivra de l’enfer son amie Faconille, qui avait eu le malheur de mourir païenne.

Le grand saint Jean Damascène rapporte que le grand Macaire, le même qui obtint de Dieu la mort d’Arius par ses ardentes prières, interrogea un jour dans un cimetière le crâne d’un païen sur son salut : le crâne lui répondit que les prières des théologiens soulageaient infiniment les damnés.

Enfin nous savons de science certaine que le grand saint Grégoire, pape, tira de l’enfer l’âme de l’empereur Trajan : ce sont là de beaux exemples de la miséricorde de Dieu.


LE COMTE. — Vous êtes un goguenard ; tirez donc de l’enfer, par vos saintes prières, Henri IV, qui