BOLDMIND. — Vous êtes homme, et cela suffit.
MÉDROSO. — Hélas ! vous êtes bien plus homme
que moi.
BOLDMIND. — Il ne tient qu’à vous d’apprendre
à penser ; vous êtes né avec de l’esprit ; vous êtes
un oiseau dans la cage de l’inquisition ; le saint-office
vous a rogné les ailes, mais elles peuvent revenir.
Celui qui ne sait pas la géométrie peut l’apprendre :
tout homme peut s’instruire : il est honteux
de mettre son âme entre les mains de ceux à
qui vous ne confieriez pas votre argent ; osez penser
par vous-même.
MÉDROSO. — On dit que si tout le monde pensait
par soi-même, ce serait une étrange confusion.
BOLDMIND. — C’est tout le contraire. Quand on
assiste à un spectacle, chacun en dit librement son
avis, et la paix n’est point troublée ; mais si quelque
protecteur insolent d’un mauvais poète voulait forcer
tous les gens de goût à trouver bon ce qui leur paraît
mauvais, alors les sifflets se feraient entendre,
et les deux partis pourraient se jeter des pommes à
la tête, comme il arriva une fois à Londres. Ce sont
ces tyrans des esprits qui ont causé une partie des
malheurs du monde. Nous ne sommes heureux en
Angleterre que depuis que chacun jouit librement
du droit de dire son avis.