Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
dialogues philosophiques

jamais jusque-là, que deviendra le saint-office ?


BOLDMIND. — Si les premiers chrétiens n’avaient pas eu la liberté de penser, n’est-il pas vrai qu’il n’y eût point eu de christianisme ?


MÉDROSO. — Que voulez-vous dire ? Je ne vous entends point.


BOLDMIND. — Je le crois bien. Je veux dire que si Tibère et les premiers empereurs avaient eu des jacobins qui eussent empêché les premiers chrétiens d’avoir des plumes et de l’encre ; s’il n’avait pas été longtemps permis dans l’empire romain de penser librement, il eût été impossible que les chrétiens établissent leurs dogmes. Si donc le christianisme ne s’est formé que par la liberté de penser, par quelle contradiction, par quelle injustice voudrait-il anéantir aujourd’hui cette liberté sur laquelle seule il est fondé ?

Quand on vous propose quelque affaire d’intérêt, n’examinez-vous pas longtemps avant de conclure ? Quel plus grand intérêt y a-t-il au monde que celui de notre bonheur ou de notre malheur éternel ? Il y a cent religions sur la terre, qui toutes vous damnent si vous croyez à vos dogmes, qu’elles appellent absurdes et impies ; examinez donc ces dogmes.


MÉDROSO. — Comment puis-je les examiner ? je ne suis pas jacobin.