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dialogues philosophiques

N’est-ce pas, en effet, offenser Dieu que de penser qu’il choisisse une petite nation chargée de crimes pour sa favorite, afin de damner toutes les autres ; que l’assassin d’Urie soit son bien-aimé, et que le pieux Antonin lui soit en horreur ? N’est-ce pas la plus grande absurdité de penser que l’Être suprême punira à jamais un caloyer pour avoir mangé du lièvre, ou un Turc pour avoir mangé du porc ? Il y a eu des peuples qui ont mis, dit-on, les oignons au rang des dieux ; il y en a d’autres qui ont prétendu qu’un morceau de pâte était changé en autant de dieux que de miettes. Ces deux extrêmes de la démence humaine font également pitié ; mais que ceux qui adoptent ces rêveries osent persécuter ceux qui ne les croient pas, c’est là ce qui est horrible. Les anciens Parsis, les Sabéens, les Égyptiens, les Grecs ont admis un enfer : cet enfer est sur la terre, et ce sont les persécuteurs qui en sont les démons.


LE CALOYER. — Je déteste la persécution, la contrainte, autant que vous; et, grâce au ciel, je vous ai déjà dit que les Turcs, sous qui je vis en paix, ne persécutent personne.


L’HONNÊTE HOMME. — Ah ! puissent tous les peuples d’Europe suivre l’exemple des Turcs !


LE CALOYER. — Mais j’ajoute qu’étant caloyer, je ne puis vous proposer d’autre reli-