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dialogues philosophiques


L’HONNÊTE HOMME. — Comme toutes les autres. Un homme d’une imagination forte se fait suivre par quelques personnes d’une imagination faible. Le troupeau s’augmente ; le fanatisme commence ; la fourberie achève. Un homme puissant vient ; il voit une foule qui s’est mis une selle sur le dos et un mors à la bouche ; il monte sur elle et la conduit. Quand une fois la religion nouvelle est reçue dans l’état, le gouvernement n’est plus occupé qu’à proscrire tous les moyens par lesquels elle s’est établie. Elle a commencé par des assemblées secrètes : on les défend. Les premiers apôtres ont été expressément envoyés pour chasser les diables ; on défend les diables. Les apôtres se faisaient apporter de l’argent des prosélytes : celui qui est convaincu de prendre ainsi de l’argent est puni. Ils disaient qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et sur ce prétexte ils bravaient les lois : le gouvernement maintient que suivre les lois c’est obéir à Dieu. Enfin la politique tâche sans cesse de concilier l’erreur reçue et le bien public.


LE CALOYER. — Mais vous allez en Europe ; vous serez obligé de vous conformer à quelqu’un des cultes reçus.


L’HONNÊTE HOMME. — Quoi donc ! ne pourrai-je faire en Europe comme ici, adorer paisiblement le Créateur de tous les mondes, le Dieu de tous les hommes, celui qui a mis dans mon