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dialogues philosophiques

tremblez d’outrager Dieu en l’accusant de tant d’inconstance, de faiblesse, de contradiction, de ridicule, et même de méchanceté.


LE CALOYER. — Si toutes ces variations sont l’ouvrage des hommes, convenez que la morale au moins est de Dieu, puisqu’elle est toujours la même.


L’HONNÊTE HOMME. — Tenons-nous-en donc à cette morale ; mais que les chrétiens l’ont corrompue ! qu’ils ont cruellement violé la loi naturelle enseignée par tous les législateurs, et gravée au cœur de tous les hommes !

Si Jésus a parlé de cette loi aussi ancienne que le monde, de cette loi établie chez le Huron comme chez le Chinois : Aime ton prochain comme toi-même ; la loi des chrétiens a été : Déteste ton prochain comme toi-même. Athanasiens, persécutez les eusébiens, et soyez persécutés ; cyrilliens, écrasez les enfants des nestoriens contre les murs ; guelfes et gibelins, faites une guerre civile de cinq cents années, pour savoir si Jésus a ordonné au prétendu successeur de Simon Barjone de détrôner les empereurs et les rois, et si Constantin a cédé l’empire au pape Sylvestre. Papistes, suspendez à des potences hautes de trente pieds, déchirez, brûlez des malheureux qui ne croient pas qu’un morceau de pâte soit changé en Dieu à la voix d’un capucin ou d’un récollet, pour être mangé sur l’autel par des souris, si on laisse le ciboire ouvert. Poltrot, Balthazar Gérard, Jac-

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