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dialogues philosophiques

porc, de l’ixion et du griffon, comme aussi du lièvre, parce qu’il rumine et qu’il n’a pas le pied fendu, selon la loi mosaïque. Vous autres, au contraire, vous osez croire que le lièvre a le pied fendu et qu’il ne rumine pas, vous en mangez hardiment ; vous faites rôtir un ixion et un griffon quand vous en trouvez ; vous n’êtes point circoncis ; vous ne sacrifiez point ; aucune de vos fêtes ne fut instituée par votre Jésus. Que pouvez-vous avoir de commun avec lui ?


LE CALOYER. — J’avoue que je serais un imposteur bien effronté si j’osais vous soutenir que le christianisme d’aujourd’hui ressemble à celui des premiers siècles, et celui de ces premiers siècles à la religion de Jésus. Mais vous m’avouerez aussi que Dieu a pu ordonner toutes ces variations.


L’HONNÊTE HOMME. — Dieu varier ! Dieu changer ! cette idée me paraît un blasphème. Quoi ! le soleil de Dieu est toujours le même, et sa religion serait une suite de vicissitudes ! Quoi ! vous le feriez ressembler à ces gouvernements misérables qui donnent tous les jours des édits nouveaux et contradictoires ! Il aurait donné un édit à Adam, un autre à Seth, un troisième à Noé, un quatrième à Abraham, un cinquième à Moïse, un sixième à Jésus, et de nouveaux édits encore à chaque concile ; et tout aurait changé, depuis la défense de manger du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, jusqu’à la bulle Unigenitus du jésuite Le Tellier ! Croyez-moi,