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dialogues philosophiques

Cette belle prédiction s’est-elle accomplie ? Paul et les Juifs chrétiens allèrent-ils dans l’air au-devant de Jésus au son de la trompette ? Et où, s’il vous plaît, Paul avait-il appris de Jésus ces merveilleuses choses, lui qui ne l’avait jamais vu, lui qui avait servi de satellite et de bourreau contre ses disciples, lui qui avait aidé à lapider Étienne ? Avait-il parlé à Jésus quand il fut ravi au troisième ciel ? Et qu’est-ce que ce troisième ciel ? est-ce Mercure ou Mars ? En vérité, si on lisait avec attention, on serait saisi d’horreur et de pitié à chaque page.


LE CALOYER. — Mais si ce livre fait un tel effet sur les lecteurs, comment a-t-on pu croire à ce livre ? Comment a-t-il converti tant de milliers d’hommes ?


L’HONNÊTE HOMME. — C’est qu’on ne lisait pas. Est-ce par la lecture qu’on persuade à dix millions de paysans que trois font un, que Dieu est dans un morceau de pâte, que cette pâte disparaît, et que c’est Dieu lui-même qui est fait sur-le-champ par un homme ? C’est par la conversation, par la prédication, par les cabales ; c’est en séduisant des femmes et des enfants ; c’est par des impostures, par des récits miraculeux, qu’on vient aisément à bout d’établir un petit troupeau. Les livres des premiers chrétiens étaient très rares ; il était défendu de les communiquer aux catéchumènes ; on était initié secrètement aux mystères des chrétiens comme à ceux de Cérès. Le petit peuple courait avidement