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dialogues philosophiques

de cette aventure ; il est Juif, et il ne parle pas même de ce Jésus né chez les Juifs.

Que d’incertitudes m’accablent dans la recherche importante de ce que je dois adorer et de ce que je dois croire ! Je lis les Écritures, et je n’y vois nulle part que Jésus, reconnu depuis pour Dieu, se soit jamais appelé Dieu ; je vois même tout le contraire ; il dit que son père est plus grand que lui, que le père seul sait ce que le fils ignore. Et comment encore ces mots de père et de fils se doivent-ils entendre chez un peuple où, par les fils de Bélial, on voulait dire les méchants, et, par les fils de Dieu, on désignait les hommes justes ? J’adopte quelques maximes de la morale de Jésus ; mais quel législateur enseigna jamais une mauvaise morale ? dans quelle religion l’adultère, le larcin, le meurtre, l’imposture, ne sont-ils pas défendus ? le respect pour les parents, l’obéissance aux lois, la pratique de toutes les vertus expressément ordonnés ?

Plus je lis, plus mes peines redoublent. Je cherche des prodiges dignes d’un Dieu, attestés par l’univers. J’ose dire, avec cette naïveté douloureuse qui craint de blasphémer, que les diables envoyés dans le corps d’un troupeau de cochons, de l’eau changée en vin en faveur de gens qui étaient ivres, un figuier séché pour n’avoir pas porté des figues avant le temps, etc., ne remplissent pas l’idée que je m’étais faite du maître de la nature, annonçant et prouvant la vérité par des miracles éclatants et utiles. Puis-je adorer ce maître de la nature dans un Juif qu’on dit