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dialogues philosophiques

Peut-être ces expressions avaient-elles un sens respectable dans la langue où l’on dit qu’elles furent prononcées ; j’adopte tout ce qui peut inspirer la vertu : mais ayez la bonté de me dire ce que vous pensez d’un autre passage que voici :

« C’est Dieu qui m’a formé ; Dieu est partout et dans moi : Oserais-je le souiller par des actions criminelles et basses, par des paroles impures, par d’infâmes désirs ?

« Puissé-je, à mes derniers moments, dire à Dieu : Ô mon maître ! ô mon père ! tu as voulu que je souffrisse, j’ai souffert avec résignation ; tu as voulu que je fusse pauvre, j’ai embrassé la pauvreté ; tu m’as mis dans la bassesse, et je n’ai point voulu la grandeur ; tu veux que je meure, je t’adore en mourant. Je sors de ce magnifique spectacle en te rendant grâce de m’y avoir admis pour me faire contempler l’ordre admirable avec lequel tu régis l’univers. »


L’ABBÉ. — Cela est admirable ; dans quel père de l’Église avez-vous trouvé ce morceau divin ? est-ce dans saint Cyprien, dans saint Grégoire de Nazianze, ou dans saint Cyrille ?


LE COMTE. — Non ; ce sont les paroles d’un esclave païen, nommé Épictète ; et l’empereur Marc-Aurèle n’a jamais pensé autrement que cet esclave.


L’ABBÉ. — Je me souviens, en effet, d’avoir lu, dans ma jeunesse, des préceptes de morale dans des