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dialogues philosophiques

aurait plus d’empereur, ni d’empire romain ?

LE RÉCOLLET. — Si fait, si fait, il y a un empereur et un empire ; mais tout cela est à quatre cents lieues d’ici, dans une petite ville appelée Vienne, sur le Danube. Je vous conseille d’y aller voir vos successeurs ; car ici vous risqueriez de voir l’inquisition. Je vous avertis que les révérends pères dominicains n’entendent point raillerie, et qu’ils traiteraient fort mal les Marc-Aurèle, les Antonin, les Trajan et les Titus, gens qui ne savent pas leur catéchisme.

MARC-AURÈLE. — Un catéchisme ! l’inquisition ! des dominicains ! des récollets ! un pape ! et l’empire romain dans une petite ville sur le Danube ! Je ne m’y attendais pas : je conçois qu’en seize cents ans les choses de ce monde doivent avoir changé de face. Je serais curieux de voir un empereur romain marcoman, quade, cimbre, ou teuton.

LE RÉCOLLET. — Vous aurez ce plaisir-là quand vous voudrez, et même de plus grands. Vous seriez donc bien étonné si je vous disais que des Scythes ont la moitié de votre empire, et que nous avons l’autre ; que c’est un prêtre comme moi qui est le souverain de Rome ; que frère Fulgence pourra l’être à son tour ; que je donnerai des bénédictions au même endroit où vous traîniez à votre char des rois vaincus ; et que votre successeur du Danube n’a pas à lui une ville en propre, mais qu’il y a un