Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
dialogues philosophiques

l’erreur. Mais pourquoi m’appelez-vous damné ?

LE RÉCOLLET. — C’est que vous l’êtes. N’est-ce pas vous (autant qu’il m’en souvient) qui avez tant persécuté des gens à qui vous aviez obligation, et qui vous avaient procuré de la pluie pour battre vos ennemis ?

MARC-AURÈLE. — Hélas ! j’étais bien loin de persécuter personne. Je rendis grâces au ciel de ce que, par une heureuse conjoncture, il vint à propos un orage dans le temps que mes troupes mouraient de soif ; mais je n’ai jamais entendu dire que j’eusse obligation de cet orage aux gens dont vous me parlez, quoiqu’ils fussent de fort bons soldats. Je vous jure que je ne suis point damné. J’ai fait trop de bien aux hommes pour que l’essence divine veuille me faire du mal. Mais dites-moi, je vous prie, où est le palais de l’empereur mon successeur ? Est-ce toujours sur le mont Palatin ? car en vérité je ne reconnais plus mon pays.

LE RÉCOLLET. — Je le crois bien vraiment ; nous avons tout perfectionné. Si vous voulez, je vous mènerai à Monte-Cavallo : vous baiserez les pieds du saint-père, et vous aurez des indulgences, dont vous paraissez avoir grand besoin.

MARC-AURÈLE. — Accordez-moi d’abord la vôtre ; et, dites-moi franchement, est-ce qu’il n’y