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dialogues philosophiques


L’ABBÉ. — Il me faudrait bien du temps pour vous expliquer tous nos dogmes.


LE COMTE. — C’est déjà une grande présomption contre vous. Il vous faut de gros livres ; et à moi il ne faut que quatre mots : Sers Dieu, sois juste.


L’ABBÉ. — Jamais notre religion n’a dit le contraire.


LE COMTE. — Je voudrais ne point trouver dans vos livres des idées contraires. Ces paroles cruelles : « Contrains-les d’entrer, » dont on abuse avec tant de barbarie ; et celles-ci : « Je suis venu apporter le glaive et non la paix ; » et celles-là encore : « Que celui qui n’écoute pas l’Église soit regardé comme un païen, ou comme un receveur des deniers publics ; » et cent maximes pareilles, effraient le sens commun et l’humanité.

Y a-t-il rien de plus dur et de plus odieux que cet autre discours : « Je leur parle en parabole, afin qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en écoutant ils n’entendent point ? » Est-ce ainsi que s’expliquent la sagesse et la bonté éternelle ?

Le Dieu de tout l’univers, qui se fait homme pour éclairer et pour favoriser tous les hommes, a-t-il pu dire : « Je n’ai été envoyé qu’au troupeau d’Israël, » c’est-à-dire à un petit pays de trente lieues tout au plus ?

Est-il possible que ce Dieu, à qui l’on fait payer la