Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
dialogues philosophiques


LE COMTE. — J’entends l’amour éclairé de la sagesse, soutenu par l’amour de l’Être éternel, rémunérateur de la vertu et vengeur du crime.


L’ABBÉ. — Eh bien ! n’est-ce pas là ce que notre religion annonce ?


LE COMTE. — Si c’est là ce que vous annoncez, nous sommes d’accord ; je suis bon catholique et vous êtes bon philosophe ; n’allons donc pas plus loin ni l’un ni l’autre. Ne déshonorons notre philosophie religieuse et sainte, ni par des sophismes et des absurdités qui outragent la raison, ni par la cupidité effrénée des honneurs et des richesses qui corrompent toutes les vertus. N’écoutons que les vérités et la modération de la philosophie ; alors cette philosophie adoptera la religion pour sa fille.


L’ABBÉ. — Avec votre permission, ce discours sent un peu le fagot.


LE COMTE. — Tant que vous ne cesserez de nous conter des fagots, et de vous servir de fagots allumés au lieu de raisons, vous n’aurez pour partisans que des hypocrites et des imbéciles. L’opinion d’un seul sage l’emporte sans doute sur les prestiges des fripons, et sur l’asservissement de mille idiots. Vous m’avez demandé ce que j’entends par philosophie ; je vous demande à mon tour ce que vous entendez par religion.