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dialogues philosophiques

Pékin : et vous voulez qu’on vous le permette !


LE JÉSUITE. — Ne parlons point de ce mystère. Il est vrai que, dans notre Europe, le réformé, le protestant, le moliniste, le janséniste, l’anabaptiste, le méthodiste, le morave, le mennonite, l’anglican, le quaker, le piétiste, le coccéien, le voétien, le socinien, l’unitaire rigide, le millénaire, veulent chacun tirer à eux la vérité, qu’ils la mettent en pièces, et qu’on a bien de la peine à en rassembler les morceaux. Mais enfin nous nous accordons sur le fond des choses.


LE MANDARIN. — Si vous preniez la peine d’examiner les opinions de chaque disputeur, vous verriez qu’ils ne sont de même avis sur aucun point. Vous savez combien nous fûmes scandalisés quand notre prince Olou-tsé, que vous avez séduit, nous dit que vous aviez deux lois, que ce qui avait été autrefois vrai et bon était devenu faux et mauvais. Tous nos tribunaux furent indignés ; ils le seraient bien davantage s’ils apprenaient que, depuis dix-sept siècles, vous êtes occupés à expliquer, à retrancher et à ôter, à concilier, à rajuster, à forger : nous, au contraire, depuis cinquante siècles, nous n’avons pas varié un seul moment.


LE JÉSUITE. — C’est parce que vous n’avez jamais été éclairés. Vous n’avez jamais écouté que votre simple raison : elle vous a dit qu’il y a un Dieu, et