intentions ; et c’est donc là cette paix que vos confrères viennent prêcher à des peuples qui vivent en paix ?
LE JÉSUITE. — Ce que je vous en dis n’est qu’une
supposition théologique ; car je vous répète que
j’apporte la paix, l’union, la bienfaisance, et toutes
les vertus : j’ajoute seulement que ma doctrine est
si belle qu’il faudrait l’acheter aux dépens de la vie
de tous les hommes.
LE MANDARIN. — C’est vendre cher ses coquilles.
Mais comment votre doctrine est-elle si belle, puisque
vous me disiez hier qu’il fallait tromper ?
LE JÉSUITE. — Rien ne s’accorde plus aisément.
Nous annonçons des vérités ; ces vérités ne sont pas
à la portée de tout le monde, et nous rencontrons
des ennemis, des jansénistes, qui nous poursuivent
jusqu’à la Chine. Que faire alors ? il faut bien soutenir
une vérité utile par quelques mensonges qui
le sont aussi ; on ne peut se passer de miracles :
cela tranche toutes les difficultés. Je vous avoue
entre nous que nous n’en faisons point, mais nous
disons que nous en avons fait ; et si l’on nous croit,
nous gagnons des âmes. Qu’importe la route, pourvu
qu’on arrive au but ? Il est bien sûr que notre petit
Portugais Xavier ne pouvait être à la fois, en même
temps, dans deux vaisseaux ; cependant nous l’avons
dit ; et plus la chose est impossible et extravagante,