Il ferait à Dresde un voyage,
Et viendrait y prendre leçon.
Mais, retenu par les merveilles
Qui soumettent à leurs appas
Le cœur, les yeux et les oreilles,
Le Sage ne reviendrait pas.
La nuit, compagne du repos,
De son crêp couvrant la lumière,
Avait jeté sur ma paupière
Ses plus léthargiques pavots ;
Mon âme était appesantie,
Et ma pensée anéantie,
Lorsqu’un songe, d’un vol léger,
Me fit passer comme un éclair
Aux bords fleuris de l’Élysée.
Là, sous un berceau toujours vert,
Je vis l’ombre immortalisée
De l’aimable Cèsarion[2].
Dans la plus vive émotion
Je m’élançai soudain vers elle :
« Ô ciel ! est-ce toi que je vois,
Disais-je, ami tendre et fidèle ?
Toi que j’ai pleuré tant de fois,
Toi de qui la perte cruelle
M’est encor récente et nouvelle ? »
Là, dans ces transports véhéments.
Je vole à ses embrassements ;
Mais trois fois cette ombre si chère,
Telle qu’une vapeur légère,
Semble s’échapper à mes sens.
« Le Destin, qui de nous décide,
Défend à tous ses habitants,
Dit-il, d’approcher des vivants ;
Mais j’ose te servir de guide,
C’est tout ce que je peux pour toi ;
Vers ces demeures fortunées
Où les vertus sont couronnées
Je vais te mener ; viens, suis-moi. »