494 LETTRE CURIEUSE
cent au sieur Vernet de mal parler de VEssai sur les Mœurs, etc., lui qui avait écrit vingt lettres à l'auteur pour obtenir d'en être l'éditeur \
« Moi, dit-il, moi avoir voulu jamais imprimer cet ouvrage !
— Oui, vous, lui répliquai-je; vous aviez fait votre marché avec un libraire pour corriger les feuilles; vous ne vous déchaî- nez aujourd'hui que parce que vous avez été refusé; et cela n'est pas vénéra])le. »
Vernet pâlit : il avait la tête penchée sur le côté gauche, il la pencha sur le côté droit, et dit qu'il n'avait jamais voulu impri- mer VEssai sur les Mœurs, etc.; qu'il n'avait jamais écrit de lettres à ce sujet, et qu'il était prêt à en faire serment.
M"« Ferbot, qui a la conscience timorée, se leva alors; elle courut chercher les fatales lettres de Vernet, que l'auteur de VEssai m'avait confiées, et que j'avais mises en dépôt chez elle : « Tenez, moi>sieur, dit la belle Ferbot au col tors 2; tenez, recon- naissez-vous votre écriture ? Voici une lettre de votre propre main, du 9 février 175/t, dans laquelle, après avoir parlé d'une édition très-incorrecte déjà faite d'une petite partie de ce grand ouvrage, vous vous exprimez ainsi :
(( Il me semble, monsieur, que ce serait l'occasion de re- « prendre une pensée que vous aviez eue, qui est de m'adresser (c votre Essai sur rHistolre; je le ferai imprimer correctement et à « votre gré. Cela se pourrait faire avec tout le secret que vous (c délireriez, etc. »
« Voici une autre lettre par laquelle il est évident que vous- même vous avez été l'éditeur de la première édition fautive de ce même livre que vous vouliez imprimer encore.
« Il est arrivé que j'ai été trop tard à corriger le premier tome, « et pour le second même, me trouvant d'ailleurs fort occupé, je (( ne fis que les premières corrections, etc. »
(( Cela n'est pas trop français, et il y a quelque apparence que M. de Voltaire ne fut pas assez content de votre style pour se ser-
��1. Voyez tome XXIV, page 138.
2. Il y a une grande dispute parmi les savants sur cette phrase : dit la belle Ferbot au col tors. On demande si c'est la belle Ferbot qui a le col tors, comme on dit Junon aux yeux de bœuf, Vénus aux belles fesses ; ou si c'est le professeur qui a le col tors : il est évident que c'est le professeur, par la notm-iétè pu- blique. {Note de Voltaire.)
— Voyez, tome X, page 137, la satire intitulée Éloge de l'Hypocrisie, où Vol- taire donne à Vernet
Un cûu jauni sur un moigaon penché.
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