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Traité ſur la Tolérance. Chap. XII.

& ſoumiſes au droit poſitif, à l’uſage, étant commandées par Dieu même, devenaient un droit divin pour les Juifs, comme tout ce que Jesus-Christ, fils de Marie, fils de Dieu, nous a commandé, eſt de droit divin pour nous.

Gardons-nous de rechercher ici pourquoi Dieu a ſubſtitué une Loi nouvelle à celle qu’il avait donnée à Moïſe, & pourquoi il avait commandé à Moïſe, plus de choſes qu’au Patriarche Abraham, & plus à Abraham qu’à Noé.[1] Il ſemble qu’il daigne ſe

  1. Dans l’idée que nous avons de faire ſur cet Ouvrage quelques Notes utiles, nous remarquerons ici, qu’il eſt dit que Dieu fit une alliance avec Noé, & avec tous les animaux ; & cependant il permet à Noé de manger de tout ce qui a vie & mouvement ; il excepte ſeulement le ſang, dont il ne permet pas qu’on ſe nourriſſe. Dieu ajoute, qu’il tirera vengeance de tous les animaux qui auront répandu le ſang de l’homme.

    On peut inférer de ces paſſages & de pluſieurs autres ce que toute l’antiquité a toujours penſé juſqu’à nos jours, & ce que tous les hommes ſenſés penſent, que les animaux ont quelques connaiſſances. Dieu ne fait point un pacte avec les arbres & avec les pierres, qui n’ont point de ſentiment ; mais il en fait un avec les animaux, qu’il a daigné douer d’un ſentiment ſouvent plus exquis que le nôtre, & de quelques idées néceſſairement attachées à ce ſentiment. C’eſt pourquoi il ne veut pas qu’on ait la barbarie de ſe nourrir de leur ſang, parce qu’en effet le ſang eſt la ſource de la vie, & par conſéquent du ſentiment. Privez un animal de tout ſon ſang, tous ſes organes reſtent ſans action. C’eſt donc avec très-grande raiſon que