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Traité ſur la Tolérance. Chap. X.

ces Chrétiens déclarés qui aſſiſtaient leurs frères condamnés, & qu’on accuſait d’opérer des enchantements avec les reſtes des corps martyriſés ? Ne les aurait-on pas traités comme nous avons traité les Vaudois, les Albigeois, les Huſſites, les différentes ſectes des Proteſtants ? nous les avons égorgés, brûlés en foule, ſans diſtinction ni d’âge ni de ſexe. Y a-t-il dans les Relations avérées des perſécutions anciennes un ſeul trait qui approche de la St. Barthélémi, & des maſſacres d’Irlande ? Y en a-t-il un ſeul qui reſſemble à la Fête annuelle qu’on célèbre encore dans Toulouſe, fête cruelle, fête aboliſſable à jamais, dans laquelle un Peuple entier remercie Dieu en proceſſion, & ſe félicite d’avoir égorgé il y a deux cents ans quatre mille de ſes Concitoyens ?

Je le dis avec horreur, mais avec vérité : c’eſt nous Chrétiens, c’eſt nous qui avons été perſécuteurs, bourreaux, aſſaſſins ! & de qui ? de nos frères. C’eſt nous qui avons détruit cent Villes, le Crucifix ou la Bible à la main, & qui n’avons ceſſé de répandre le ſang, & d’allumer des bûchers, depuis le règne de Conſtantin juſqu’aux fureurs des Cannibales qui habitaient les Cévennes ; fureurs, qui, grâces au Ciel, ne ſubſiſtent plus aujourd’hui.

Nous envoyons encore quelquefois à la potence, de pauvres gens du Poitou, du Vivarais, de Valen-