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Traité ſur la Tolérance. Chap. X.

tiré Sidrac, Mizac & Abdenago de la fournaiſe ardente. À peine les Juifs eurent-ils parlé, que St. Romain ſortit triomphant du bûcher : l’Empereur ordonna qu’on lui pardonnât, & dit au Juge qu’il ne voulait rien avoir à démêler avec Dieu, (étranges paroles pour Dioclétien ! ) Le Juge, malgré l’indulgence de l’Empereur, commanda qu’on coupât la langue à St. Romain ; & quoiqu’il eût des bourreaux, il fit faire cette opération par un Médecin. Le jeune Romain, né bègue, parla avec volubilité dès qu’il eut la langue coupée. Le Médecin eſſuya une réprimande ; & pour montrer que l’opération était faite ſelon les règles de l’art, il prit un paſſant, & lui coupa juſte autant de langue qu’il en avait coupé à St. Romain, de quoi le paſſant mourut ſur le champ : car, ajoute ſavamment l’Auteur, l’Anatomie nous apprend qu’un homme ſans langue ne ſaurait vivre. En vérité, ſi Euſebe a écrit de pareilles fadaiſes, ſi on ne les a point ajoutées à ſes Écrits, quel fond peut-on faire ſur ſon Hiſtoire ?

On nous donne le martyre de Ste. Félicité & de ſes ſept enfants, envoyés, dit-on, à la mort par le ſage & pieux Antonin, ſans nommer l’Auteur de la relation. Il eſt bien vraiſemblable que quelque Auteur, plus zélé que vrai, a voulu imiter l’Hiſtoire des Macabées ; c’eſt ainſi que commence la relation :