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Traité ſur la Tolérance. Chap. VIII.

Néron, dit-on, les perſécuta. Tacite nous apprend qu’ils furent accuſés de l’incendie de Rome, & qu’on les abandonna la fureur du Peuple. S’agiſſait-il de leur créance dans une telle accuſation ? Non ſans doute. Dirons-nous que les Chinois, que les Hollandais égorgèrent, il y a quelques années, dans les Fauxbourgs de Batavia, furent immolés à la Religion ? Quelque envie qu’on ait de ſe tromper, il eſt impoſſible d’attribuer à l’intolérance le déſaſtre arrivé ſous Néron à quelques malheureux demi-Juifs & demi-Chrétiens.[1]

  1. Tacite dit : Quos per flagitia inviſos vulgus Chriſtianos appellabat.

    Il eſt bien difficile que le nom de Chrétien fût déjà connu à Rome ; Tacite écrivait ſous Veſpaſien & ſous Domitien ; il parlait des Chrétiens comme on en parlait de ſon temps. J’oſerais dire que ces mots, odio humani generis convicti, pourraient bien ſignifier, dans le ſtyle de Tacite, convaincus d’être haïs du Genre-humain, autant que convaincus de haïr le Genre-humain.

    En effet que faiſoient à Rome ces premiers Miſſionnaires ? Ils tâchaient de gagner quelques âmes ; ils leur enſeignaient la morale la plus pure ; ils ne s’élevaient contre aucune puiſſance ; l’humilité de leur cœur était extrême, comme celle de leur état & de leur ſituation ; à peine étaient-ils connus, à peine étaient-ils ſéparés des autres Juifs : comment le Genre-humain, qui les ignorait, pouvait-il les haïr ? & comment pouvaient-ils être convaincus de déteſter le Genre-humain ?

    Lorſque Londres brûla, on en accuſa les Catholiques ;