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Traité ſur la Tolérance. Chap. VII.

Un Étranger arrivait-il dans une Ville, il commençait par adorer les Dieux du Pays ; on ne manquait jamais de vénérer les Dieux mêmes de ſes ennemis. Les Troyens adreſſaient des prières aux Dieux qui combattaient pour les Grecs.

Alexandre alla conſulter, dans les Déſerts de la Libie, le Dieu Ammon, auquel les Grecs donnèrent le nom de Zeus, & les Latins de Jupiter, quoique les uns & les autres euſſent leur Jupiter & leur Zeus chez eux. Lorſqu’on aſſiégeait une Ville, on faiſait un ſacrifice & des prières aux Dieux de la Ville, pour ſe les rendre favorables. Ainſi, au milieu même de la guerre, la Religion réuniſſait les hommes, & adouciſſait quelquefois leurs fureurs, ſi quelquefois elle leur commandait des actions inhumaines & horribles.

Je peux me tromper ; mais il me paraît que de tous les anciens Peuples policés, aucun n’a gêné la liberté de penſer. Tous avaient une Religion ; mais il me ſemble qu’ils en uſaient avec les hommes comme avec leurs Dieux ; ils reconnaiſſaient tous un Dieu ſuprême, mais ils lui aſſociaient une quantité prodigieuſe de Divinités inférieures ; ils n’avaient qu’un culte, mais ils permettaient une foule de ſyſtêmes particuliers.

Les Grecs, par exemple, quelque religieux qu’ils fuſſent, trouvaient bon que les Épicuriens niaſſent la Providence & l’exiſtence de l’âme. Je ne parle