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Traité ſur la Tolérance. Chap. IV.

depuis plus de quatre mille ans qu’il eſt connu, que le Culte des Noachides, l’adoration ſimple d’un ſeul Dieu : cependant il tolère les ſuperſtitions de Fo, & une multitude de Bonzes qui ſerait dangereuſe, ſi la ſageſſe des Tribunaux ne les avait pas toujours contenus.

Il eſt vrai que le grand Empereur Yont-Chin, le plus ſage & le plus magnanime peut-être qu’ait eu la Chine, a chaſſé les Jéſuites ; mais ce n’était pas parce qu’il était intolérant, c’était au contraire parce que les Jéſuites l’étaient. Ils rapportent eux-mêmes dans leurs Lettres curieuſes, les paroles que leur dit ce bon Prince : Je ſais que votre Religion eſt intolérante ; je ſais ce que vous avez fait aux Manilles & au Japon ; vous avez trompé mon Père, n’eſpérez pas me tromper de même. Qu’on liſe tout le diſcours qu’il daigna leur tenir, on le trouvera le plus ſage & le plus clément des hommes. Pouvait-il en effet retenir des Phyſiciens d’Europe, qui, ſous prétexte de montrer des thermomètres & des éolipiles à la Cour, avaient ſoulevé déjà un Prince du ſang ? & qu’aurait dit cet Empereur, s’il avait lu nos Hiſtoires, s’il avait connu nos temps de la ligue, & de la conſpiration des poudres ?

C’en était aſſez pour lui d’être informé des querelles indécentes des Jéſuites, des Dominicains, des Ca-

pucins,