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Traité ſur la Tolérance. Chap. IV.

pondit qu’ils ſeraient éternellement damnés dans l’autre monde, mais que dans ce monde-ci ils lui étaient très-néceſſaires.

Sortons de notre petite ſphère, & examinons le reſte de notre globe. Le grand Seigneur gouverne en paix vingt Peuples de différentes Religions ; deux cents mille Grecs vivent avec ſécurité dans Conſtantinople ; le Muphti même nomme & préſente à l’Empereur le Patriarche Grec ; on y ſouffre un Patriarche Latin. Le Sultan nomme des Évêques Latins pour quelques Iſles de la Grèce,[1] & voici la formule dont il ſe ſert ; Je lui commande d’aller réſider Évêque dans l’Iſle de Chio, ſelon leur ancienne coutume & leurs vaines cérémonies. Cet Empire eſt rempli de Jacobites, de Neſtoriens, de Monotélites ; il y a des Cophtes, des Chrétiens de St. Jean, des Juifs, des Guèbres, des Banians. Les Annales Turques ne font mention d’aucune révolte excitée par aucune de ces Religions.

Allez dans l’Inde, dans la Perſe, dans la Tartarie ; vous y verrez la même tolérance & la même tranquillité. Pierre-le-Grand a favoriſé tous les Cultes dans ſon vaſte Empire : le Commerce & l’Agriculture y ont gagné, & le Corps politique n’en a jamais ſouffert.

Le Gouvernement de la Chine n’a jamais adopté,

  1. Voyez Ricaut.