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Traité ſur la Tolérance. Chap. IV.

demi-formés, & les donner à manger aux porcs & aux chiens ; mettre un poignard dans la main de leurs priſonniers garrotés, & conduire leurs bras dans le ſein de leurs femmes, de leurs pères, de leurs mères, de leurs filles, s’imaginant en faire mutuellement des parricides, & les damner tous en les exterminant tous. C’eſt ce que rapporte Rapin-Toiras, Officier en Irlande, preſque contemporain ; c’eſt ce que rapportent toutes les Annales, toutes les Hiſtoires d’Angleterre, & ce qui ſans doute ne ſera jamais imité. La Philoſophie, la ſeule Philoſophie, cette ſœur de la Religion, a déſarmé des mains que la ſuperſtition avait ſi longtemps enſanglantées ; & l’eſprit humain, au réveil de ſon ivreſſe, s’eſt étonné des excès où l’avait emporté le fanatiſme.

Nous-mêmes, nous avons en France une Province opulente, où le Luthéraniſme l’emporte ſur le Catholiciſme. L’Univerſité d’Alſace eſt entre les mains des Luthériens : ils occupent une partie des Charges municipales ; jamais la moindre querelle religieuſe n’a dérangé le repos de cette Province depuis qu’elle appartient à nos Rois. Pourquoi ? c’eſt qu’on n’y a perſécuté perſonne. Ne cherchez à point gêner les cœurs, & tous les cœurs ſeront à vous.

Je ne dis pas que tous ceux qui ne ſont point de la Religion du Prince doivent partager les places &