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Traité ſur la Tolérance. Chap. III.

du moins aucun tort dans la morale ; voyons s’ils en avaient contre nous dans la politique.

Ils diſaient que Jésus-Christ n’ayant jamais exigé d’annates, ni de réſerves, ni vendu des diſpenſes pour ce monde, & des indulgences pour l’autre, on pouvait ſe diſpenſer de payer à un Prince étranger le prix de toutes ces choſes. Quand les annates, les procès en Cour de Rome, & les diſpenſes qui ſubſiſtent encore aujourd’hui, ne nous coûteraient que cinq cents mille francs par an, il eſt clair que nous avons payé depuis François I, en deux cents cinquante années, cent vingt millions ; & en évaluant les différents prix du marc d’argent, cette ſomme en compoſe une d’environ deux cents cinquante millions d’aujourd’hui. On peut donc convenir ſans blaſphème, que les Hérétiques, en propoſant l’abolition de ces Impôts ſinguliers, dont la poſtérité s’étonnera, ne faiſaient pas en cela un grand mal au Royaume, & qu’ils étaient plutôt bons calculateurs que mauvais ſujets. Ajoutons qu’ils étaient les ſeuls qui ſuſſent la Langue Grecque, & qui connuſſent l’antiquité. Ne diſſimulons point que, malgré leurs erreurs, nous leur devons le développement de l’eſprit humain, longtemps enſeveli dans la plus épaiſſe barbarie.

Mais comme ils niaient le Purgatoire, dont on ne doit pas douter, & qui d’ailleurs rapportait beaucoup