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Traité ſur la Tolérance. Chap. II.

déjà faſcinés, & pour des imaginations auſſi enflammées que ſoumiſes à leurs Directeurs !

Il y a eu des temps, on ne le ſait que trop, où des Confrairies ont été dangereuſes. Les Frérots, les Flagellants ont cauſé des troubles. La Ligue commença par de telles aſſociations. Pourquoi ſe diſtinguer ainſi des autres Citoyens ? s’en croyait-on plus parfait ? cela même eſt une inſulte au reſte de la Nation. Voulait-on que tous les Chrétiens entraſſent dans la Confrairie ? Ce ſerait un beau ſpectacle que l’Europe en capuchon & en maſque, avec deux petits trous ronds au-devant des yeux ! Penſe-t-on de bonne foi que Dieu préfère cet accoutrement à un juſtaucorps ? Il y a bien plus ; cet habit eſt un uniforme de Controverſiſtes, qui avertit les Adverſaires de ſe mettre ſous les armes ; il peut exciter une eſpèce de guerre civile dans les eſprits ; elle finirait peut-être par de funeſtes excès, ſi le Roi & ſes Miniſtres n’étaient auſſi ſages que les fanatiques font inſenſés.

On ſait aſſez ce qu’il en a coûté depuis que les Chrétiens diſputent ſur le dogme ; le ſang a coulé, ſoit ſur les échafauds, ſoit dans les batailles, dès le quatrième ſiècle juſqu’à nos jours. Bornons-nous ici aux guerres & aux horreurs que les querelles de la réforme ont excitées, & voyons quelle en a été la ſource en France. Peut-être un tableau raccourci &