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Traité ſur la Tolérance. Chap. II.

comme un Saint, celui qu’on aurait dû traîner ſur la claye, a fait rouer un père de famille vertueux ; ce malheur doit ſans doute les rendre pénitents en effet pour le reſte de leur vie : eux & les Juges doivent pleurer, mais non pas avec un long habit blanc & un maſque ſur le viſage, qui cacheraient leurs larmes.

On reſpecte toutes les Confrairies ; elles ſont édifiantes : mais quelque grand bien qu’elles puiſſent faire à l’État, égale-t-il ce mal affreux qu’elles ont cauſé ? Elles ſemblent inſtituées par le zèle qui anime en Languedoc les Catholiques contre ceux que nous nommons Huguenots. On dirait qu’on a fait vœu de haïr ſes frères ; car nous avons aſſez de religion pour haïr & perſécuter, nous n’en avons pas aſſez pour aimer & pour ſecourir. Et que ſerait-ce, ſi ces Confrairies étaient gouvernées par des enthouſiaſtes, comme l’ont été autrefois quelques Congrégations des Artiſans & des Meſſieurs, chez leſquels on réduiſait en art & en ſyſtême l’habitude d’avoir des viſions, comme le dit un de nos plus éloquents & ſavants Magiſtrats ? Que ſerait-ce ſi on établiſſait dans les Confrairies ces chambres obſcures, appellées chambres de méditation, où l’on faiſait peindre des diables armés de cornes & de griffes, des gouffres de flammes, des croix & des poignards, avec le ſaint nom de Jésus au-deſſus du tableau ? Quel ſpectacle pour des yeux

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