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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

un des Conſeillers leur ayant fait ſentir que cet arrêt démentait l’autre, qu’ils ſe condamnaient eux-mêmes, que tous les accuſés ayant toujours été enſemble dans le temps qu’on ſuppoſait le parricide, l’élargiſſement de tous les ſurvivants prouvait invinciblement l’innocence du père de famille exécuté ; ils prirent alors le parti de bannir Pierre Calas ſon fils. Ce banniſſement ſemblait auſſi inconſéquent, auſſi abſurde que tout le reſte : car Pierre Calas était coupable ou innocent du parricide ; s’il était coupable, il fallait le rouer comme ſon père ; s’il était innocent, il ne fallait pas le bannir. Mais les Juges effrayés du ſupplice du père, & de la piété attendriſſante avec laquelle il était mort, imaginèrent ſauver leur honneur en laiſſant croire qu’ils faiſaient grâce au fils ; comme ſi ce n’eût pas été une prévarication nouvelle de faire grâce : & ils crurent que le banniſſement de ce jeune homme, pauvre & ſans appui, étant ſans conſéquence, n’était pas une grande injuſtice, après celle qu’ils avaient eu le malheur de commettre.

On commença par menacer Pierre Calas dans ſon cachot, de le traiter comme ſon père s’il n’abjurait pas ſa Religion. C’eſt ce que ce jeune homme[1] atteſte par ſerment.

  1. Un Jacobin vint dans mon cachot, & me menaça du même genre de mort, ſi je n’abjurais pas : c’eſt ce que j’atteſte devant Dieu, 23 Juillet 1762.
    Pierre Calas.