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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

dans un cas pareil, doit ſuffire pour faire trembler un Juge qui va ſigner un Arrêt de mort. La faibleſſe de notre raiſon & l’inſuffiſance de nos Loix ſe font ſentir tous les jours ; mais dans quelle occaſion en découvre-t-on mieux la miſère que quand la prépondérance d’une ſeule voix fait rouer un Citoyen ? Il fallait dans Athènes cinquante voix au-delà de la moitié pour oſer prononcer un jugement de mort. Qu’en réſulte-t-il ? ce que nous ſavons très-inutilement, que les Grecs étaient plus ſages & plus humains que nous.

Il paraiſſait impoſſible que Jean Calas, vieillard de ſoixante-huit ans, qui avait depuis longtemps les jambes enflées & faibles, eût ſeul étranglé & pendu un fils âgé de vingt-huit ans, qui était d’une force au-deſſus de l’ordinaire ; il fallait abſolument qu’il eût été aſſiſté dans cette exécution par ſa femme, par ſon fils Pierre Calas, par Lavaiſſe, & par la ſervante. Ils ne s’étaient pas quittés un ſeul moment le ſoir de cette fatale aventure. Mais cette ſuppoſition était encore auſſi abſurde que l’autre : car comment une ſervante zélée Catholique aurait-elle pu ſouffrir que des Huguenots aſſaſſinaſſent un jeune-homme élevé par elle, pour le punir d’aimer la Religion de cette ſervante ? Comment Lavaiſſe ſerait-il venu exprès de

    volta contre le Roi ſon père, lui donna bataille en 584, fut vaincu & tué par un Officier : on en a fait un martyr, parce que ſon père était Arien.