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Traité ſur la Tolérance. Chap. XXIV.

tion, veut donc qu’on répande le ſang de cette vingtième partie, & ne regarde cette opération que comme une ſaignée d’une palette ! Dieu nous préſerve avec lui des trois vingtièmes !

Si donc cet honnête-homme propoſe de tuer le vingtième de la Nation, pourquoi l’Ami du Père Le Tellier n’aurait-il pas propoſé de faire ſauter en l’air, d’égorger & d’empoiſonner le tiers ? Il eſt donc très-vraiſemblable que la Lettre au Père Le Tellier a été réellement écrite.

Le ſaint Auteur finit enfin par conclurre que l’intolérance eſt une choſe excellente, parce qu’elle n’a pas été, dit-il, condamnée expreſſément par Jésus-Christ. Mais Jésus-Christ n’a pas condamné non plus ceux qui mettraient le feu aux quatre coins de Paris ; eſt-ce une raiſon pour canoniſer les incendiaires ?

Ainſi donc, quand la nature fait entendre d’un côté ſa voix douce & bienfaiſante, le fanatiſme, cet ennemi de la nature, pouſſe des hurlements ; & lorſque la paix ſe préſente aux hommes, l’intolérance forge ſes armes. O vous, Arbitre des Nations, qui avez donné la paix à l’Europe, décidez entre l’eſprit pacifique, & l’eſprit meurtrier.