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Traité ſur la Tolérance. Chap. XX.

ges fantaſtiques de la Divinité, que de ſe livrer à l’athéiſme. Un Athée qui ſerait raiſonneur, violent & puiſſant, ſerait un fléau auſſi funeſte qu’un ſuperſtitieux ſanguinaire.

Quand les hommes n’ont pas de notions ſaines de la Divinité, les idées fauſſes y ſuppléent, comme dans les temps malheureux on trafique avec de la mauvaiſe monnoye, quand on n’en a pas de bonne. Le Païen craignait de commettre un crime, de peur d’être puni par les faux Dieux. Le Malabare craint d’être puni par ſa Pagode. Par-tout où il y a une Société établie, une Religion eſt néceſſaire ; les Loix veillent ſur les crimes commis, & la Religion ſur les crimes ſecrets.

Mais lorſqu’une fois les hommes ſont parvenus à embraſſer une Religion pure & ſainte, la ſuperſtition devient, non ſeulement inutile, mais très-dangereuſe. On ne doit pas chercher à nourrir de gland ceux que Dieu daigne nourrir de pain.

La ſuperſtition eſt à la Religion ce que l’Aſtrologie eſt à l’Aſtronomie, la fille très-folle d’une mère très-ſage. Ces deux filles ont long-temps ſubjugué toute la terre.

Lorſque dans nos ſiècles de barbarie il y avait à peine deux Seigneurs féodaux qui euſſent chez eux un nouveau Teſtament, il pouvait être pardonnable de préſenter des fables au vulgaire, c’eſt-à-dire, à ces