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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

tous les ans, par une Proceſſion & par des feux de joye, le jour où elle maſſacra quatre mille Citoyens hérétiques, il y a deux ſiècles. En vain ſix Arrêts du Conſeil ont défendu cette odieuſe fête, les Toulouſains l’ont toujours célébrée comme les jeux floraux.

Quelque fanatique de la populace s’écria que Jean Calas avait pendu ſon propre fils Marc-Antoine. Ce cri répété fut unanime en un moment. D’autres ajoutèrent que le mort devait le lendemain faire abjuration ; que ſa famille & le jeune Lavaiſſe l’avaient étranglé, par haine contre la Religion Catholique : le moment d’après on n’en douta plus ; toute la Ville fut perſuadée que c’eſt un point de Religion chez les Proteſtants, qu’un père & une mère doivent aſſaſſiner leur fils, dès qu’il veut ſe convertir.

Les eſprits une fois émus ne s’arrêtent point. On imagina que les Proteſtants du Languedoc s’étaient aſſemblés la veille ; qu’ils avaient choiſi à la pluralité des voix un bourreau de la ſecte ; que le choix était tombé ſur le jeune Lavaiſſe ; que ce jeune homme, en vingt-quatre heures, avait reçu la nouvelle de ſon élection, & était arrivé de Bordeaux pour aider Jean Calas, ſa femme & leur fils Pierre, à étrangler un ami, un fils, un frère.

Le Sr. David, Capitoul de Toulouſe, excité par ces rumeurs, & voulant ſe faire valoir par une prompte

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