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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

Société, qu’il approuva la converſion de ſon fils Louis Calas, & qu’il avait depuis trente ans chez lui une ſervante zélée Catholique, laquelle avait élevé tous ſes enfants.

Un des fils de Jean Calas, nommé Marc-Antoine, était un homme de Lettres : il paſſait pour un eſprit inquiet, ſombre & violent. Ce jeune homme ne pouvant réuſſir ni à entrer dans le négoce, auquel il n’était pas propre, ni à être reçu Avocat, parce qu’il fallait des certificats de Catholicité, qu’il ne put obtenir, réſolut de finir ſa vie, & fit preſſentir ce deſſein à un de ſes amis : il ſe confirma dans ſa réſolution par la lecture de tout ce qu’on a jamais écrit ſur le ſuicide.

Enfin, un jour, ayant perdu ſon argent au jeu, il choiſit ce jour la même pour exécuter ſon deſſein. Un ami de ſa famille, & le ſien, nommé Lavaiſſe, jeune-homme de dix-neuf ans, connu par la candeur & la douceur de ſes mœurs, fils d’un Avocat célèbre de Toulouſe, était arrivé[1] de Bordeaux la veille ; il ſoupa par haſard chez les Calas. Le père, la mère, Marc-Antoine leur fils aîné, Pierre leur ſecond fils, mangèrent enſemble. Après le ſouper on ſe retira dans un petit ſallon ; Marc-Antoine diſparut : enfin, lorſque le jeune Lavaiſſe voulut partir,

  1. 12 Octobre 1761.
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