Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
Traité ſur la Tolérance. Chap. XIII.

gérer. Ils niaient l’exiſtence des Anges. Ils différaient beaucoup plus des autres Juifs, que les proteſtants ne diffèrent des Catholiques ; ils n’en demeurèrent pas

    On rapporte encore le Chapitre dernier d’Iſaïe : Et de mois en mois, & de Sabath en Sabath, toute chair viendra m’adorer, dit le Seigneur ; & ils ſortiront, & ils verront à la voirie les cadavres de ceux qui ont prévariqué ; leur ver ne mourra point, leur feu ne s’éteindra point, & ils ſeront expoſés aux yeux de toute chair juſqu’à ſatiété.

    Certainement s’ils ſont jetés à la voirie, s’ils ſont expoſés à la vue des paſſants juſqu’à ſatiété, s’ils ſont mangés des vers, cela ne veut pas dire que Moïſe enſeigna aux Juifs le dogme de l’immortalité de l’âme ; & ces mots, Le feu ne s’éteindra point, ne ſignifient pas que des cadavres qui ſont expoſés à la vue du peuple ſubiſſent les peines éternelles de l’Enfer.

    Comment peut-on citer un paſſage d’Iſaïe pour prouver que les Juifs du temps de Moïſe avaient reçu le dogme de l’immortalité de l’âme ? Iſaïe prophétiſait, ſelon la computation Hébraïque, l’an du monde 3380. Moïſe vivait vers l’an 2500 ; il s’eſt écoulé huit ſiècles entre l’un & l’autre. C’eſt une inſulte au ſens commun, ou une pure plaiſanterie, que d’abuſer ainſi de la permiſſion de citer, & de prétendre prouver qu’un auteur a eu une telle opinion, par un paſſage d’un Auteur venu huit cents ans après, & qui n’a point parlé de cette opinion. Il eſt indubitable que l’immortalité de l’âme, les peines & les récompenſes après la mort, ſont annoncées, reconnues, conſtatées dans le Nouveau Teſtament, & il eſt indubitable qu’elles ne ſe trouvent en aucun endroit du Pentateuque.

    Les Juifs, en croyant depuis l’immortalité de l’âme, ne furent point éclairés ſur ſa ſpiritualité ; ils penſèrent com-