Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
Traité ſur la Tolérance. Chap. XII.

Le même Jérémie, que le Melk, ou Roitelet Juif, Sédécias, avait fait mettre au cachot, ayant obtenu ſon pardon de Sédécias, lui conſeille, de la part de

    & le premier livre d’Hérodote pour ſe convaincre que nous n’avons aucune reſſemblance avec les Peuples de la haute antiquité, & que nous devons nous défier de notre jugement quand nous cherchons à comparer leurs mœurs avec les nôtres.

    La nature même n’était pas ce qu’elle eſt aujourd’hui. Les Magiciens avaient ſur elle un pouvoir qu’ils n’ont plus : ils enchantaient les ſerpents, ils évoquaient les morts, &c. Dieu envoyait des ſonges, & des hommes les expliquaient. Le don de prophétie était commun. On voyait des métamorphoſes telles que celles de Nabuchodonoſor changé en bœuf, de la femme de Loth en ſtatue de ſel, de cinq Villes en un lac bitumineux.

    Il y avait des eſpèces d’hommes qui n’exiſtent plus. La race des géants Rephaïm, Emim, Néphilim, Enacim a diſparu. St. Auguſtin, au Livre V de la Cité de Dieu, dit avoir vu la dent d’un ancien Géant, groſſe comme cent de nos molaires. Ezéchiel parle des pygmées Gamadim, hauts d’une coudée, qui combattaient au ſiège de Tyr : & en preſque tout cela les Auteurs ſacrés ſont d’accord avec les profanes. Les maladies & les remèdes n’étaient point les mêmes que de nos jours : les poſſédés étaient guéris avec la racine nommée Barad enchâſſée dans un anneau qu’on leur mettait ſous le nez.

    Enfin tout cet ancien monde était ſi différent du nôtre, qu’on ne peut en tirer aucune règle de conduite ; & ſi, dans cette antiquité reculée, les hommes s’étaient perſécutés & opprimés tour à tour au ſujet de leur culte, on ne devrait pas imiter cette cruauté ſous la Loi de grâce.