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Traité ſur la Tolérance. Chap. XII.

mangerez, dit-il, le cheval & le Cavalier ; vous boirez le ſang des Princes. On ne trouve, dans toute l’Hiſtoire de ce Peuple, aucun trait de généroſité,

    gens envers les ôtages de Céſar, & ces victimes humaines immolées, pour comble d’horreur, par la main des femmes, dément un peu le panégyrique que Tacite fait des Germains dans ſon Traité De moribus Germanorum. Il paraît que, dans ce Traité, Tacite ſonge plus à faire la ſatyre des Romains que l’éloge des Germains, qu’il ne connaiſſait pas.

    Diſons ici en paſſant que Tacite aimait encore mieux la ſatyre que la vérité. Il veut rendre tout odieux, juſqu’aux actions indifférentes, & ſa malignité nous plaît preſque autant que ſon ſtyle, parce que nous aimons la médiſance & l’eſprit.

    Revenons aux victimes humaines. Nos Pères en immolaient auſſi-bien que les Germains : c’eſt le dernier degré de la ſtupidité de notre nature abandonnée à elle-même, & c’eſt un des fruits de la faibleſſe de notre jugement. Nous dîmes : Il faut offrir à Dieu ce qu’on a de plus précieux & de plus beau ; nous n’avons rien de plus précieux que nos enfants ; il faut donc choiſir les plus beaux & les plus jeunes pour les ſacrifier à la Divinité.

    Philon dit que, dans la terre de Canaan, on immolait quelquefois ſes enfants, avant que Dieu eût ordonné à Abraham de lui ſacrifier ſon fils unique Iſaac pour éprouver ſa foi.

    Sanchoniaton, cité par Euſèbe, rapporte que les Phéniciens ſacrifiaient dans les grands dangers le plus cher de leurs enfants, & qu’Ilus immola ſon fils Jehud à peu près dans le temps que Dieu mit la foi d’Abraham à l’épreuve. Il eſt difficile de percer dans les ténèbres de cette antiquité ;